via Claire Lemercier:
Appel à communications pour la Cinquième rencontre du groupe Res-Hist (Réseaux & Histoire) « La personne en question dans les réseaux »
Rennes, 17-18 octobre 2019
Créé en 2013, le groupe Res-Hist est un collectif destiné à favoriser les échanges scientifiques des historien·ne·s travaillant sur les réseaux. Il organise des rencontres qui réunissent, autour d’une thématique donnée, les chercheur·se·s qui mettent en œuvre des analyses de réseaux dans leurs travaux, quels que soient les périodes étudiées, les objets d’analyse, l’état d’avancement des travaux ou le niveau d’études. Les précédentes rencontres à Nice (en 2013 puis en 2016), Toulouse (2014) et Paris (2015) ont permis à des spécialistes venus de différents horizons de se rencontrer et d’échanger, à la fois en termes épistémologiques, méthodologiques et techniques.
Dans le sillage de ces premières manifestations, nous organisons une cinquième rencontre du groupe Res-Hist les 17 et 18 octobre 2019 à l’Université Rennes 2, en partenariat avec la MSHB et l’URFIST, trois institutions qui valorisent les recherches sur les humanités numériques. Notre initiative est également soutenue par le GDR Analyse de réseaux en Sciences humaines et sociales. Nous proposons que les contributeurs et contributrices de ces journées discutent une thématique précise : « La personne en question dans les réseaux ». Les travaux historiques qui mobilisent les techniques spécifiques d’analyse de réseaux envisagent en effet souvent dans leurs analyses des « personnes ». Dans la majorité de ces travaux, ces personnes – comprises comme des individus – interviennent en tant qu’entités (réseaux de correspondance, d’intellectuels et de savants, de marchands, d’évêques, de nobles ou de paysans, réseaux égocentrés), une démarche aujourd’hui intuitivement compréhensible par référence aux réseaux sociaux numériques (Facebook, Twitter, etc).
Depuis quelques années toutefois, certains types de recherche s’interrogent davantage sur l’usage historique que l’on peut faire des « personnes ». Depuis les travaux précurseurs de John Padgett sur les Médicis, plusieurs historien·ne·s diluent ou dépassent en effet ces personnes, en focalisant leur analyse sur des entités-groupes (familiaux, religieux, économiques, associatifs) : les individus sont ainsi réduits à représenter une entité plus globale, que certain.e.s sociologues qualifient de « cercles sociaux ou collectifs » qui dépassent les relations interpersonnelles qui le forment. Dans une perspective prosopographique, d’autres chercheur.se.s travaillent moins sur des « personnes » que sur des réseaux de « noms », de « titres » ou d’« attributs » qui renvoient certes parfois à des individus précis, mais qui ne peuvent être identifiés qu’en passant par les occurrences, c’est-à-dire par des réseaux de mots. Dans certains de ces travaux, consacrés à des sociétés polythéistes, les noms ne renvoient d’ailleurs pas toujours à des individus, mais à des puissances divines formant un système que le réseau permet d’analyser (réseaux de dieux et déesses scandinaves ou réseaux d’épithètes divines largement répandues dans le monde antique). Dans d’autres études, qui portent sur les situations de clandestinité à la période contemporaine, on peut s’interroger sur la manière adéquate d’associer ou de distinguer l’individu et son nom de couverture pour rendre compte au mieux des liens sociaux vécus ou supposés par les autorités. Enfin, dans certains travaux plus spatialisés, les personnes ne sont plus des entités, mais interviennent en tant que liens, par exemple dans les flux entre deux lieux (flux d’intellectuels, de marchands ou d’ambassadeurs).
Nous souhaiterions que les intervenant.e.s s’interrogent ainsi sur l’usage qu’ils/elles font des « personnes » dans les réseaux qu’ils/elles reconstituent et analysent. Quelle place leur réservent-ils/elles, en tant qu’entités ou liens ? L’analyse se situe-t-elle au niveau de la personne/individu, la dépasse-t-elle parfois pour s’intéresser plutôt à des « cercles sociaux » ? Qu’est-ce qui justifie de choisir un autre niveau d’analyse : en quoi est-ce un gain et/ou une perte d’informations ? Comment mettre en œuvre concrètement – c’est-à-dire d’un point de vue méthodologique et pratique, grâce à certains outils – la prise en compte d’entités-personnes et d’entités-cercles sociaux ? Dans les enquêtes prosopographiques ou dans les études des relations de parenté à partir des noms (A, fils de B), quels sont les arguments qui autorisent à passer des occurrences à l’individu sur le plan méthodologique ? Quand on traite les sources enfin, comment tenir compte des identités personnelles duales, associant un nom de naissance et un nom choisi au cours de la vie – que l’on songe aux changements de noms des candidats à la cléricature dans le christianisme, aux résistant.e.s souvent évoqué.e.s à travers un pseudonyme, ou encore aux personnes contraintes à changer d’identité pour échapper à la mort ?
Ce sont ces interrogations, et sans doute beaucoup d’autres, que soulève le thème de « la personne en question dans les réseaux ». Il s’agit en effet par là de poser plus largement le problème de l’accès à l’individu à travers des sources distinctes et des époques diverses, en valorisant les réponses que l’analyse de réseaux et les approches quantitatives peuvent y apporter. En définitive, le thème soulève la question fondamentale de la manière dont on pense, à travers un réseau, certaines catégories, qu’elles soient sociales, économiques, juridiques, onomastiques, familiales, etc., en articulation avec les types documentaires auxquels on est confronté.e.
Nous invitons donc les chercheur.se.s qui mettent à profit la notion de réseaux dans leurs recherches à participer à ces rencontres. À côté de l’objet de l’étude et des résultats obtenus, il s’agit de placer au cœur de la réflexion la manière dont ils/elles traitent les personnes dans leurs analyses (en tant qu’entités – globales ou pas –, en tant que liens, etc.,). Les propositions d’intervenant.e.s des précédentes rencontres Res-Hist tout comme celles de chercheur.se.s qui n’y ont pas assisté sont les bienvenues.
Selon la formule consacrée lors des précédentes journées Res-Hist, les intervenants fourniront un texte (déjà publié ou non) qui sera mis en ligne à l’avance et présenteront leurs propos oralement en 20 minutes maximum, qui seront suivies par 30 minutes de débat et d’échange avec la salle. Des présentations par des invité.e.s et des ateliers de formation à l’analyse de réseaux et à ses logiciels seront également proposés avant les rencontres.
Les propositions de communication, d’une longueur d’une page et accompagnées des nom, statut et adresse mail, devront être adressées avant le 31 mars 2019 par courriel à Karine Karila-Cohen (karine.karila-cohen@univ-rennes2.fr) et à Isabelle Rosé (rosisa@wanadoo.fr). Le résultat de la sélection sera communiqué à la fin du mois de mai 2019, après examen par le conseil scientifique. Les textes présentés seront fournis avant le 1er septembre 2019. L’organisation prendra en charge une à deux nuitées, dans certains cas, et la plupart des repas au cours de la rencontre. Les frais de transport sont à la charge des intervenant.e.s ou de leur laboratoire.
Cette initiative est possible grâce au soutien du LAHM-CReAAH (Université Rennes 2 / UMR 6566), de Tempora (Université Rennes 2), de l’UFR Sciences sociales et l’Université Rennes 2, de l’URFIST, de la MSHB et du GDR CNRS Analyse de réseaux en SHS.
Comité scientifique
L. Beauguitte (CNRS-GDR Analyse de réseaux en SHS)
P.-Y. Beaurepaire (Université Côte d’Azur, CMMC)
M. Gasperoni (CNRS-Centre Roland Mousnier)
J. M. Imízcoz (Universidad del País Vasco)
K. Karila-Cohen (Université Rennes 2, Lahm-CReAAH, UMR 6566)
C. Lemercier (CNRS-Sciences Po Paris)
S. Marzagalli (Université Côte d’Azur, CMMC)
I. Rosé (Université Rennes 2, Tempora)
L. Van Hoof (Université de Gand)
Comité d’organisation
Karine Karila-Cohen, Université Rennes 2, LAHM-CReAAH (UMR 6566)
Isabelle Rosé, Université Rennes 2, Tempora (EA 7468)
Audrey Colloc, Université Rennes 2, Gestion/secrétariat de Tempora (EA 7468)
Alison Tribodet, Université Rennes 2, secrétariat de la cellule recherche pour le LAHM (UMR 6566)